Hogg

Hogg, Samuel R. Delany

Publié le 9 Février 2006 - Désordres / Laurence Viallet
Traduit de l’américain par Norbert Naigeon
Epuisé
368 pagesISBN : 2-268-05765-8

Achevé en 1973, Hogg mit plus de vingt ans à trouver un éditeur et fut, selon Maurice Girodias « le seul livre que, de toute ma carrière, j’ai refusé uniquement à cause de son contenu sexuel ». En effet, ce roman met en scène les aventures d’un jeune narrateur, avatar contemporain d’Huckleberry Finn, exposé à la violence libidineuse de Hogg, goinfre grotesque, personnage monstrueux, ogre répugnant, violeur et meurtrier. Samuel R. Delany décrit l’errance dégénérée d’une bande de mercenaires menée par Hogg et payée pour terroriser les femmes ; l’enlèvement du petit narrateur ; le basculement dans la folie meurtrière d’un autre protagoniste. Cette épopée régressive et primitive – véritable retour du refoulé – permet d’examiner la violence et la sexualité dans ce qu’elles ont de plus archaïque. La plongée dans l’Amérique profonde, celle du Sud, dévoile les pires travers d’une société caricaturale et stigmatisée : raciste, sexiste, incestueuse, miséreuse, illettrée.
Si les scènes de sexe sont décrites avec crudité, le réalisme cède toutefois la place à une outrance fantasmagorique dont certains aspects rappellent l’univers de John Waters ou de Tom of Finland : la démesure et l’excès confinent à la parodie. Hogg, roman d’apprentissage baroque et paradoxalement comique, met en scène les aventures d’une Justine égarée – et tout à fait consentante – au pays du père Ubu. L’omniprésence de la crasse, de l’ordure et de la scatologie dans cette farce pornographique évoque la littérature carnavalesque de Rabelais, le débordement organique répondant au débordement littéraire.
À l’image de son personnage éponyme, Hogg est un livre monstrueux, unique et fascinant.

Hogg, de Samuel R. Delany, est un livre à prendre indiscutablement au sérieux, et dont les qualités littéraires sont remarquables.

Norman Mailer

Hogg brille comme une pierre précieuse dans la boue tiédasse de notre postmodernité. C’est la mise à l’épreuve systématique d’une seule hypothèse. Il s’agit de savoir jusqu’à quel point le désir peut envahir la conscience avant que celle-ci cesse d’être considérée comme humaine.

Bruce Benderson